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bles et réguliers. La grâce innée dure autant que la vie ; et quelque effort que fasse pour la perdre l’homme qui la possède, elle lui reste fidèle malgré lui. Vous ne trouveriez en aucun autre pays homme qui ressemble au jeune prince***… Mais il y en a plus d’un ici.

On le voit entouré d’une foule de jeunes gens, disciples, ses émules, et qui sans valoir ce qu’il vaut pour l’esprit et pour l’âme, ont tous entre eux un certain air de famille : ce sont des Russes enfin, et l’on reconnaît du premier coup d’œil qu’ils ne peuvent être que des Russes. Voilà pourquoi je vais m’astreindre à vous donner quelques détails sur la vie qu’ils mènent… Mais déjà la plume me tombe des mains, car il faut vous révéler les liaisons de ces libertins, non pas avec des filles perdues, mais avec de jeunes religieuses très-mal cloîtrées, comme vous l’allez voir ; j’hésite à vous faire le récit de ces faits qui rappellent un peu notre littérature révolutionnaire de 1793 : vous vous croirez aux Visitandines de Feydeau ; et à quoi bon, direz-vous, lever un coin du voile dont on devrait au contraire couvrir avec soin de tels désordres ? Peut-être ma passion pour la vérité m’aveugle-t-elle, mais il me semble que le mal triomphe quand il reste secret, tandis que le mal public est à demi vaincu ; d’ailleurs, n’ai-je pas résolu de vous faire le tableau de ce pays, tel que je le