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L’intempérance (je ne parle pas seulement de l’ivrognerie des gens du peuple) est ici poussée à un tel degré qu’un des hommes les plus aimés à Moscou, un des boute-en-train de la société, disparaît chaque année pendant six semaines, ni plus, ni moins. On se demande alors ce qu’il est devenu : « Il est allé se griser !  !… et cette réponse satisfait à tout !  !…

Les Russes sont trop légers pour être vindicatifs ; ce sont des dissipateurs élégants. Je me plais à vous le répéter : ils sont souverainement aimables ; mais leur politesse, tout insinuante qu’elle est, dégénère parfois en une exagération fatigante. Alors elle me fait regretter la grossièreté, qui du moins aurait le mérite du naturel. La première loi pour être poli, c’est de ne se permettre que les éloges qui peuvent être acceptés, les autres sont des insultes. La vraie politesse n’est qu’un code de flatteries bien déguisées ; rien de si flatteur que la cordialité, car, pour pouvoir la manifester, il faut éprouver de la sympathie.

S’il y a des Russes très-polis, il y en a aussi de très-impolis ; ceux-ci sont d’une indiscrétion choquante ; à la manière des sauvages, ils s’informent de but en blanc des choses les plus graves comme des bagatelles les moins intéressantes ; ils vous font à la fois des questions d’enfants et d’espions ; ils vous