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peinture du vice comme l’a fait Richardson dans Lovelace, ce n’est pas corrompre les âmes, c’est éviter de salir les imaginations, de dégrader les esprits. Il y a là une intention morale au point de vue de l’art, et ce respect pour la délicatesse du lecteur me paraît bien autrement essentiel aux sociétés civilisées que la connaissance exacte des turpitudes de leurs bandits et des vertus et des naïvetés de leurs prostituées ! Qu’on me pardonne cette excursion sur le terrain de la critique contemporaine ; je me hâte de me renfermer dans les stricts et pénibles devoirs du voyageur véridique, lesquels malheureusement sont trop souvent en opposition avec les lois des compositions littéraires que je viens de vous rappeler par respect pour ma langue et pour mon pays.

Les écrits de nos peintres de mœurs les plus hardis ne sont que de bien faibles copies des originaux que j’ai journellement sous les yeux depuis que je vis en Russie.

La mauvaise foi nuit à tout, et surtout aux affaires de commerce ; ici elle s’étend plus loin, elle gêne même les libertins dans l’exécution de leurs contrats les plus secrets.

Les continuelles altérations de la monnaie favorisent à Moscou tous les subterfuges, rien n’est précis dans la bouche d’un Russe, nulle promesse n’en sort bien définie ni bien garantie, et sa bourse gagne tou-