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idoles de la mode. Puis au premier coup de vent, le nuage succède au tableau, et le nuage se dissipe à son tour. Poussière et fumée, chaos et néant, voilà tout ce qui peut sortir de ces têtes inconsistantes.

Rien ne prend racine sur un sol si profondément mouvant. Là, tout s’efface, tout s’égalise, et le monde vaporeux où ils vivent et nous font vivre paraît et disparaît au gré de leur infirmité. Mais aussi dans cet élément fluide, rien ne finit ; l’amitié, l’amour, qu’on croyait perdus, revivent évoqués d’un regard, d’un mot, à l’instant qu’on y pense le moins ; à la vérité, c’est pour être révoqués aussitôt que l’on a repris à la confiance. Sous la baguette toujours agissante de ces magiciens, la vie est une fantasmagorie continuelle, c’est un jeu fatigant, mais où les maladroits seuls se ruinent, car où tout le monde triche, personne n’est trompé : en un mot, ils sont faux comme l’eau, selon la poétique expression de Shakespeare, dont les larges coups de pinceau sont des révélations de la nature !!

Ceci m’explique pourquoi, jusqu’à présent, ils ont semblé voués par la Providence au gouvernement despotique : c’est par pitié autant que par habitude qu’on les tyrannise.

Si je ne m’adressais qu’à un philosophe tel que vous, ce serait ici le lieu d’insérer des détails de