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tres peuples ! Je me figure la sensibilité allemande, la naïveté confiante, l’étourderie des Français, la constance des Espagnols, la passion des Anglais, l’abandon, la bonhomie des vrais, des vieux Italiens, aux prises avec la coquetterie innée des Russes ; et je plains les pauvres étrangers qui croiraient un moment pouvoir devenir acteurs dans le spectacle qui les attend ici. En affaire de cœur, les Russes sont les plus douces bêtes féroces qu’il y ait sur la terre, et leurs griffes bien cachées n’ôtent malheureusement rien à leurs agréments.

Je n’ai jamais éprouvé un charme semblable, si ce n’est dans la société polonaise : nouveau rapport qui se découvre entre les deux familles ! Les haines civiles ont beau séparer ces peuples, la nature les réunit en dépit d’eux-mêmes. Si la politique ne forçait l’un à opprimer l’autre, ils se reconnaîtraient et s’aimeraient.

Les Polonais sont des Russes chevaleresques et catholiques, avec la différence qu’en Pologne ce sont les femmes qui vivent, ou, pour parler avec plus de précision, qui commandent ; et qu’en Russie, ce sont les hommes.

Mais ces mêmes gens, si naturellement aimables, si bien doués, ces personnes si charmantes, tombent quelquefois dans des écarts que des hommes du caractère le plus vulgaire éviteraient.