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inconstance apparente n’est qu’une précaution de vanité bien entendue, et assez commune parmi les personnes du grand monde dans tous les pays. Ce qu’on cache avec le plus de soin, ce n’est pas le mal, c’est le vide ; on ne rougit pas d’être pervers, on est humilié d’être nul ; d’après ce principe, les Russes du grand monde montrent volontiers de leur esprit, de leur caractère ce qui plaît au premier venu, ce qui nourrit la conversation pendant quelques heures ; mais si vous essayez de passer derrière la décoration qui vous a ébloui d’abord, ils vous arrêtent comme un indiscret qui s’aviserait d’écarter le paravent de leur chambre à coucher, dont l’élégance aussi est tout en dehors. Ils vous accueillent par curiosité, puis ils vous repoussent par prudence.

Ceci s’applique à l’amitié comme à l’amour, à la société des hommes comme à celle des femmes. En faisant le portrait d’un Russe, on peint la nation ; comme un soldat sous les armes nous donne l’idée de tout son régiment. Nulle part l’influence de l’unité dans le gouvernement et dans l’éducation n’est plus sensible qu’elle l’est ici. Tous les esprits y portent l’uniforme. Ah ! pour peu qu’on soit jeune et facile à émouvoir, on doit bien souffrir quand on apporte chez ce peuple au cœur froid, à l’esprit aiguisé par la nature et par l’éducation sociale, la simplicité des au-