Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/351

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la grâce innée des Slaves, à ce don qui, dans la société, remplace tous les autres dons, et que rien ne remplace, car on peut définir la grâce en disant que c’est précisément ce qui sert à se passer de tout ce qu’on n’a pas.

Figurez-vous feu la politesse française ressuscitée, et devenue réellement tout ce qu’elle paraissait ; figurez-vous la plus parfaite aménité non étudiée, l’oubli de soi-même, involontaire, non appris, l’ingénuité dans le bon goût, l’irréflexion dans le choix, l’aristocratie élégante sans morgue, la facilité sans impertinence, l’instinct de la supériorité tempéré par la sécurité qui accompagne la grandeur….. J’ai tort de chercher à définir des nuances trop fugitives, ce sont de ces délicatesses qui se sentent, il faut les de viner, et se garder de fixer par la parole leur rapide apparition ; mais enfin sachez qu’on les retrouve toutes et d’autres encore dans les manières et dans la conversation des Russes vraiment distingués ; et plus souvent, plus complétement chez ceux qui n’ont pas voyagé, mais qui, restés en Russie, se sont pourtant trouvés en contact avec quelques étrangers spirituels.

Ces agréments, ce prestige, leur donnent un souverain pouvoir sur les cours : tant que vous demeurez en la présence de ces êtres privilégiés, vous êtes sous le joug ; et le charme est double, car vous vous