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taire, qui retourne passer les mois d’hiver dans un quartier plus central.

Nous avons dîné au milieu du jardin, et pour que rien ne manquât à l’originalité de la scène, je trouvai la table mise sous une tente. La conversation, quoiqu’entre hommes et fort animée, fort libre, fut décente ; chose rare même chez les peuples qui se croient maîtres en fait de civilisation. Il y avait là des personnes qui ont beaucoup vu, beaucoup lu ; leurs jugements sur toutes choses m’ont paru justes et fins ; les Russes sont singes dans les habitudes de la vie élégante ; mais ceux qui pensent (il est vrai qu’on les compte) redeviennent, dans les entretiens familiers, ce qu’ils ont toujours été : c’est-à-dire des Grecs doués d’une finesse et d’une sagacité héréditaires.

Le dîner me parut court, pourtant il dura longtemps ; notez qu’au moment de nous mettre à table je voyais les convives pour la première fois, et le maître de la maison pour la seconde.

Ceci n’est pas une remarque indifférente, car une grande et vraie politesse peut seule mettre si vite à son aise un étranger. Entre tous les souvenirs de mon voyage, celui de cette journée me restera comme un des plus agréables.

Au moment de quitter Moscou pour n’y revenir qu’en passant, je ne crois pas inutile de vous peindre le caractère des Russes tel que j’ai pu me le repré-