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commencer par celui de bourreau ; on lui a vu couper vingt têtes de sa main dans une soirée ; et on l’a entendu se vanter de son adresse à ce métier, qu’il exerça avec une rare férocité lorsqu’il eut triomphé des coupables mais encore plus malheureux strelitz : telle est l’éducation, tels sont les exemples qu’on donnait aux Russes il y a un peu plus d’un siècle, pendant qu’on représentait Athalie et le Misanthrope à Paris ; et c’est de l’homme dont ils recevaient ces leçons, de ce digne héritier des Ivan, qu’ils ont fait leur dieu, le modèle du prince russe à tout jamais !

Aujourd’hui ces nouveaux convertis à la civilisation n’ont pas encore perdu leur goût de parvenus pour ce qui a de l’éclat, pour tout ce qui attire les yeux.

Les enfants et les sauvages aiment ce qui brille : les Russes sont des enfants qui ont l’habitude, non l’expérience du malheur. De là, pour le dire en passant, le mélange de légèreté et de causticité qui les caractérise. L’agrément d’une vie égale, calme, arrangée seulement pour satisfaire les affections intimes, pour le plaisir de la conversation, pour les jouissances de l’esprit, ne leur suffirait pas longtemps.

Ce n’est pas cependant que les grands seigneurs se montrent tout à fait insensibles à ces plaisirs raffinés ; mais pour captiver l’arrogante frivolité de