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Le club des nobles est fermé pendant cette saison : je m’y suis rendu également par acquit de conscience. On voit dans la salle principale une statue de Catherine II. Cette salle est ornée de colonnes et se termine d’un côté par une demi-rotonde. Elle peut contenir environ 3000 personnes : il s’y donne pendant l’hiver des fêtes fort brillantes, dit-on ; je crois sans peine à la magnificence des bals de Moscou ; les grands seigneurs russes entendent à merveille l’art de varier autant que possible ces monotones divertissements obligés ; leur luxe est réservé aux plaisirs d’apparat ; leur imagination s’y complaît ; ils prennent l’éclat pour la civilisation, le clinquant pour l’élégance, et ceci me prouve qu’ils sont plus incultes encore que nous ne l’imaginons. Il y a un peu plus de cent ans que Pierre le Grand leur dictait des lois de politesse applicables à chaque classe de la société ; il ordonnait des réunions à l’instar des bals et des assemblées de la vieille Europe. Il forçait les Russes à s’inviter les uns les autres à ces réunions imitées des assemblées en usage chez les nations de l’Occident, puis il les obligeait d’admettre leurs femmes dans ces cercles en les exhortant à ôter leur chapeau pour entrer dans la chambre. Mais tandis que ce grand précepteur de son peuple enseignait si bien la civilité puérile aux boyards et aux marchands de Moscou, il s’abaissait lui-même à la pratique des métiers les plus vils, à