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Chez nous on est fatigué de licence et de variété, ici on est découragé par l’uniformité, glacé par la pédanterie qu’on ne peut séparer de l’idée de l’ordre, d’où il arrive qu’on hait ce qu’on devrait aimer. La Russie, cette nation enfant, n’est qu’un immense collége : tout s’y passe comme à l’école militaire, excepté que les écoliers n’en sortent qu’à la mort.

Ce qu’il y a d’allemand dans l’esprit du gouvernement russe est antipathique au caractère des Slaves ; ce peuple oriental, nonchalant, capricieux, poétique, s’il disait ce qu’il pense, se plaindrait amèrement de la discipline germanique qui lui est imposée depuis Alexis, Pierre le Grand et Catherine II, par une race de souverains étrangers. La famille Impériale a beau faire, elle sera toujours trop tudesque pour conduire tranquillement les Russes et pour se sentir d’aplomb chez eux[1] ; elle les subjugue, elle ne les gouverne pas. Les paysans seuls s’y trompent.

J’ai poussé le scrupule de voyageur jusqu’à me laisser conduire à un manége, le plus grand, je crois, qui existe : le plafond en est soutenu par des arceaux de fer légers et hardis : c’est un édifice étonnant dans son genre.

  1. Les Romanow étaient Prussiens d’origine, et depuis que l’élection les a mis sur le trône, ils se sont le plus souvent mariés à des princesses allemandes, contre l’usage des anciens souverains moscovites.