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qui la subit, c’est une humiliation de plus. À la place des descendants de ces implacables Mongols qui furent si longtemps les maîtres de la Russie et l’effroi du monde, j’aimerais mieux prier Dieu dans le secret de mon cœur que dans une ombre de mosquée due à la pitié de mes anciens tributaires.

Quand je parcours Moscou sans but et sans guide, le hasard me sert toujours bien. On ne peut s’ennuyer d’errer dans une ville où chaque rue, chaque maison a son échappée de vue sur une autre ville, qui semble bâtie par les génies, ville toute hérissée de murailles brodées, crénelées, découpées, qui supportent une multitude de vigies, de tours et de flèches, enfin sur le Kremlin, forteresse poétique par son aspect, historique par son nom… J’y reviens sans cesse par l’attrait qu’on éprouve pour tout ce qui frappe vivement l’imagination ; mais répétez-vous souvent qu’il faut se garder d’examiner en détail l’amas incohérent de monuments dont est encombrée cette montagne murée. Ce mot de montagne n’est applicable au Kremlin que si on le voit d’en bas et du côté de la Moscowa : vu du milieu de la ville et de l’intérieur de la forteresse, cet amas de bâtiments est très-plat et perd son caractère de grandeur. Le sens exquis de l’art, c’est-à-dire le talent de trouver la seule expression parfaitement juste d’une pensée originale, manque aux Russes ; cependant lorsque les géants copient,