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employer une telle cavalerie légère ont un grand moyen d’action que n’ont pas les capitaines des armées plus civilisées.

Les Cosaques sont, dit-on, d’un naturel doux ; ils ont plus de sensibilité qu’on n’aurait droit d’en attendre d’un peuple aussi grossier ; mais l’excès de leur ignorance me fait de la peine pour eux et pour leurs maîtres.

Quand je me rappelle le parti que les officiers tirent ici de la crédulité du soldat, tout ce que j’ai de dignité dans l’âme se révolte contre un gouvernement qui descend à de tels subterfuges, ou qui ne punit pas ceux de ses serviteurs qui osent y recourir.

Je tiens de bonne part que plusieurs chefs des Cosaques conduisant leurs hommes hors du pays, lors de la guerre de 1814 à 1815, leur disaient : « Tuez beaucoup d’ennemis, frappez vos adversaires sans crainte. Si vous mourez dans le combat, vous serez avant trois jours revenus auprès de vos femmes et de vos enfants ; vous ressusciterez en chair et en os, corps et âme ; qu’avez-vous donc à redouter ? »

Des hommes habitués à reconnaître la voix de Dieu le Père dans celle de leurs officiers, prenaient à la lettre les promesses qu’on leur faisait, et se battaient avec l’espèce de courage que vous leur connaissez, c’est-à-dire qu’ils fuient en maraudeurs tant qu’ils peuvent échapper au danger ; mais si la mort est inévitable, ils l’affrontent en soldats.