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de distance en distance d’imposants monastères qui s’élèvent avec leurs multitudes d’églises et de clochers ; là vous voyez des coteaux bâtis, d’autres coteaux ensemencés, ailleurs une rivière presque à sec en été ; un peu plus loin ce sont des îles d’édifices extraordinaires autant que variés ; des salles de spectacle, avec leurs pérystiles antiques sont environnées de palais de bois, les seules habitations d’architecture nationale, et toutes ces masses de constructions diverses sont à moitié cachées sous la verdure ; enfin cette poétique décoration est toujours dominée par le vieux Kremlin aux murailles dentelées, aux tours extraordinaires, et dont la couronne rappelle la tête chenue des chênes d’une forêt. Ce Parthénon des Slaves commande et protége Moscou ; on dirait d’un doge de Venise assis au milieu de son sénat.

Ce soir les tentes où s’entassaient les promeneurs de Devitscheipol étaient empestées de senteurs diverses dont le mélange produisait un air fétide ; c’était du cuir de Russie parfumé, c’étaient des boissons spiritueuses, de la bière aigre, du chou fermenté, c’étaient de la graisse aux bottes des Cosaques, du musc et de l’ambre sur la personne de quelques seigneurs venus là par désœuvrement, et qui paraissaient décidés à s’ennuyer, ne fût-ce que par orgueil aristocratique ; il m’eût été impossible de respirer longtemps cet air méphitique.