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pâturage pour marcher à la boucherie ? Ce renouvellement de colère est dû à une soi-disant conspiration polonaise ; conspiration de jeunes fous, qui passeraient pour des héros s’ils avaient réussi, quoique pour être désespérées leurs tentatives n’en soient, ce me semble, que plus généreuses. Mon cœur saigne pour les bannis, pour leur famille, pour leur pays !  !… qu’arrivera-t-il, quand les oppresseurs de ce coin de terre où fleurit naguère la chevalerie, auront peuplé la Tartarie de ce qu’il y avait de plus noble et de plus courageux parmi les enfants de la vieille Europe ? Alors, achevant de combler leur glacière politique, ils jouiront de leur succès : la Sibérie sera devenue le royaume et la Pologne le désert.

Ne devrait-on pas rougir de honte en prononçant le mot de libéralisme, quand on pense qu’il existe en Europe un peuple qui fut indépendant, et qui ne connaît plus d’autre liberté que celle de l’apostasie ? Les Russes, lorsqu’ils tournent contre l’Occident les armes qu’ils emploient avec succès contre l’Asie, oublient que le même mode d’action qui peut aider au progrès chez les Calmouks, devient un crime de lèse-humanité chez un peuple depuis longtemps civilisé. Je m’abstiens, vous voyez avec quel soin, de proférer le mot de tyrannie : il serait pourtant à sa place ; mais il prêterait des armes contre moi à des hommes blasés sur les plaintes qu’ils excitent sans cesse. Ces hommes