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que je n’envie pour la France la politique religieuse de l’Angleterre, de même qu’ici j’admire à chaque pas que je fais la pieuse soumission du peuple russe. Chez les Français, tout prêtre en crédit devient un oppresseur aux yeux des esprits forts qui gouvernent le pays en le désorganisant depuis tantôt cent trente ans, soit ouvertement par leur fanatisme révolutionnaire, soit tacitement par leur indifférence philosophique. »

L’homme vraiment éclairé avec qui je causais parut réfléchir sérieusement ; puis, après un silence assez long, il reprit : « Je ne suis pas si loin que vous le pensez de partager votre opinion ; car depuis l’expérience que j’ai acquise pendant mes voyages, une chose m’a toujours paru impliquer contradiction, c’est l’éloignement des libéraux pour la religion catholique. Je parle même de ceux qui se disent chrétiens. Comment ces esprits-là (il y en a qui raisonnent juste, et poussent les arguments jusqu’à leurs dernières conséquences), comment ne voient-ils pas qu’en renonçant à la religion romaine, ils se privent d’une garantie contre le despotisme local que tout gouvernement, de quelque nature qu’il soit, tend toujours à exercer chez soi ? — Vous avez bien raison, répliquai-je ; mais le monde se conduit par la routine ; et pendant des siècles, les meilleurs esprits ont tellement crié contre l’intolérance et l’avidité de Rome, que personne en-