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comptés parmi les curiosités de cette capitale. Si j’en fais mention, c’est parce que je pense que les efforts du peuple russe pour s’affranchir du tribut qu’il paye à l’industrie des autres peuvent avoir de graves conséquences politiques et commerciales en Europe.

La liberté qui règne à Moscou n’est qu’une illusion ; cependant on ne peut nier que, dans les rues de cette ville, il n’y ait des hommes qui paraissent se mouvoir spontanément, des hommes qui pour penser et pour agir n’attendent l’impulsion que d’eux-mêmes. Moscou est en cela bien différent de Pétersbourg

Parmi les causes de cette singularité je mets en première ligne la vaste étendue et les accidents du territoire au milieu duquel Moscou a pris racine. L’espace et l’inégalité (je prends ici ce mot dans toutes ses acceptions) sont des éléments de liberté, car l’égalité absolue est synonyme de tyrannie, puisque c’est la minorité mise sous le joug ; la liberté et l’égalité s’excluent, à moins de réserves et de combinaisons plus ou moins fausses, plus ou moins habiles, qui dénaturent ou neutralisent les choses tout en conservant les mots.

Moscou reste comme enterré au milieu même du pays dont il est la capitale. De là le cachet d’originalité empreint sur ses édifices ; de là l’air de liberté qui distingue ses habitants ; de là enfin le peu de goût