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divin répand d’éclat ; on croit mieux quand on croit moins. Les signes de croix ne prouvent pas la dévotion ; aussi, malgré leurs génuflexions et toutes leurs marques extérieures de piété, il me semble que les Russes dans leurs prières pensent à l’Empereur plus qu’au Roi des rois. À ce peuple idolâtre de ses maîtres, il faudrait, comme au Japonais, un second souverain : un Empereur spirituel pour le conduire au ciel. Le souverain temporel l’attache trop à la terre. « Réveillez-moi quand vous en serez au bon Dieu, » disait un ambassadeur à moitié endormi dans une église russe par la liturgie Impériale.

Quelquefois je me sens prêt à partager la superstition de ce peuple. L’enthousiasme devient communicatif lorsqu’il est général, ou seulement qu’il le paraît ; mais sitôt que le mal me gagne, je pense à la Sibérie, à cet auxiliaire indispensable de la civilisation moscovite, et soudain je retrouve mon calme et mon indépendance.

La foi politique est plus ferme ici que la foi religieuse ; l’unité de l’Église grecque n’est qu’apparente : les sectes, réduites au silence par le silence habilement calculé de l’Église dominante, creusent leurs chemins sous terre, mais les nations ne sont muettes qu’un temps : tôt ou tard le jour de la discussion se lève : la religion, la politique, tout parle, tout s’explique à la fin. Or, sitôt que la parole sera rendue à ce peu-