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retourner dans son pays. Mais, redoutant la gloire patriotique attachée, à tort ou à raison, à son nom, il se fit précéder auprès de l’Empereur Alexandre par une brochure publiée uniquement dans le but de prouver que l’incendie de Moscou avait éclaté spontanément, et que cette catastrophe n’avait pas été le résultat d’un plan concerté d’avance. Ainsi Rostopchin mettait tout son esprit à se justifier en Russie de l’héroïsme dont il était accusé par l’Europe étonnée de la grandeur et, depuis sa brochure, de la misère de cet homme, né pour servir un meilleur gouvernement !… Quoi qu’il en soit de son mérite, le général russe, cachant, reniant son courage, se plaignait amèrement de cette espèce de calomnie d’un genre nouveau, par laquelle on voulait faire d’un militaire obscur le libérateur de son pays !

L’Empereur Alexandre, de son côté, n’a cessé de répéter qu’il n’avait jamais donné l’ordre d’incendier sa capitale.

Ce combat de médiocrité est caractéristique ; on ne peut assez s’étonner de la sublimité du drame, en voyant par quels acteurs il fut joué. Jamais comédiens se sont-ils donné tant de peine pour persuader aux spectateurs qu’ils ne comprenaient rien à ce qu’ils faisaient ?

Aussitôt que j’eus lu Rostopchin, je l’ai pris au mot, car je me suis dit : un homme qui a si peur de