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discrets et prudents, chacun s’efface pour lutter d’insignifiance et d’obscurité. On n’aspire qu’à disparaître, on s’annule à l’envi et l’on jette les nobles actions, les hauts faits à la tête de ses rivaux, de ses ennemis, comme ailleurs les ambitieux s’entre-reprochent les bassesses. Je n’ai trouvé personne ici qui voulût répondre à mes questions sur le trait de patriotisme et de dévouement le plus glorieux de l’histoire de Russie.

En rappelant aux étrangers de tels faits, je ne me sens pas humilié dans mon orgueil national. Quand je pense à quel prix ce peuple a reconquis son indépendance, je reste fier, quoique assis sur les cendres de nos soldats : la défense donne la mesure de l’attaque ; l’histoire dira que l’une fut au niveau de l’autre ; mais, comme elle est incorruptible, elle ajoutera que la défense fut plus juste.

C’est à Napoléon de répondre à ceci : la France était alors dans la main d’un seul homme ; elle agissait, elle ne pensait plus ; elle était ivre de gloire comme les Russes sont ivres d’obéissance ; c’est à ceux qui pensent pour tout un peuple de répondre des événements. Ici maintenant toutes ces grandes choses ne sont bonnes qu’à être oubliées, et si l’on s’en souvient, ce n’est pas pour s’en vanter, c’est pour s’en excuser.

Rostopchin, après avoir passé des années à Paris, où il avait même établi sa famille, eut la fantaisie de