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du Kremlin, et je crois de Moscou ; de là j’ai vu coucher le soleil, et j’y reviendrai souvent, car rien ne m’intéresse à Moscou comme le Kremlin.

Les plantations nouvelles dont depuis quelques années on a entouré la plus grande partie de ses remparts sont un ornement de fort bon goût. Elles embellissent la ville marchande, ville toute moderne, et en même temps elles encadrent l’Alcazar des vieux Russes. Les arbres ajoutent à l’effet pittoresque des murailles anciennes. Il y a de vastes espaces dans l’épaisseur des murs de ce château fabuleux ; on y voit des escaliers dont la hardiesse et la hauteur font rêver ; on y suit de l’œil tout une population de morts qu’on ressuscite en esprit, qui parcourent des terre-pleins, qui descendent des pentes douces, qui s’appuient sur des balustrades, au sommet de leurs vieilles tours, lesquelles sont portées sur des voûtes étonnantes d’audace et de solidité ; de là ils jettent sur le monde le regard froid et dédaigneux de la mort : plus je contemple ces masses inégales et d’une variété de forme infinie, plus j’en admire l’architecture biblique et les poétiques habitants.

Quand le soleil disparaît derrière les arbres de la promenade, ses rayons éclairent encore le sommet des tourelles du palais et des églises, qui brillent dans l’azur foncé du ciel, avec tous leurs clochers : c’est un tableau magique.