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démolisse, qu’on les enterre ou qu’on les regrette, peu importe, ils feront place à de belles murailles bien lisses, à de belles baies de fenêtres bien carrées et à de grandes portes cérémonieuses ;… non, certes, Pierre le Grand n’est pas mort ; des Asiatiques enrégimentés sous leur chef, voyageur comme lui, comme lui imitateur de l’Europe, qu’il continue de copier tout en affectant de la dédaigner, poursuivent son œuvre de barbarie, soi-disant de civilisation, trompés qu’ils sont par la parole d’un nouveau maître, qui a pris pour devise l’uniformité et pour emblème l’uniforme.

Il n’y a donc pas d’artistes en Russie ; il n’y a pas d’architectes : tout ce qui conserve quelque sentiment du beau devrait se jeter aux pieds de l’Empereur et lui demander la grâce de son Kremlin. Ce que l’ennemi n’a pu faire, l’Empereur l’accomplit : il détruit les saints remparts dont les mines de Bonaparte ont à peine fait sauter un coin.

Et moi, qui suis venu au Kremlin pour voir gâter cette merveille historique, j’assisterais à l’œuvre impie sans oser jeter un seul cri de douleur, sans demander au nom de l’histoire, au nom des arts et du goût le salut des vieux monuments condamnés à disparaître sous les conceptions avortées de l’architecture moderne. Non, je protesterai, mais en France, et en attendant je me plains tout bas de ce crime de