Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnelle ; au lieu de se traîner sur la route tracée par un autre, il n’avait qu’à quitter le palais d’hiver brûlé à Pétersbourg, et revenir fixer à jamais la résidence Impériale dans le Kremlin tel qu’il est ; puis, pour les besoins de sa maison, pour les grandes fêtes de la cour, il eût bâti hors de l’enceinte sacrée tous les palais qu’il aurait cru nécessaires. Par ce retour il eût réparé la faute du Czar Pierre, qui, au lieu d’entraîner ses boyards dans la salle de spectacle qu’il leur bâtissait sur la Baltique, eût pu et dû les civiliser chez eux, en profitant des admirables éléments que la nature avait mis à leur portée et à sa disposition ; éléments qu’il a méconnus avec un dédain, avec une légèreté d’esprit indignes d’un homme supérieur comme il l’était sous certains rapports. Aussi, à chaque pas que l’étranger fait sur la route de Pétersbourg à Moscou, la Russie, avec son territoire sans bornes, avec ses immenses ressources agricoles, grandit dans son esprit autant que Pierre le Grand rapetisse. Monomaque, au xie siècle, était un prince vraiment russe ; Pierre Ier, au xviiie, grâce à sa fausse méthode de perfectionnement, n’est qu’un tributaire de l’étranger, un singe des Hollandais, un imitateur de la civilisation qu’il copie avec la minutie d’un sauvage. Ou la Russie n’accomplira pas ce qui nous paraît sa destinée, ou Moscou redeviendra quelque jour la capitale de l’Empire, car elle seule possède le germe de