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Russie l’autorité touche à tout. L’Empereur, qui sans doute vit sur ma figure une expression de regret, me quitta en m’assurant que son nouveau palais serait beaucoup plus vaste et plus conforme aux besoins de sa cour que ne l’était l’ancien. Cette raison répond à tout dans un pays comme celui-ci.

En attendant que la cour soit mieux logée, on englobe dans l’enceinte du nouveau palais la petite église du Sauveur dans les bois. Ce vénérable sanctuaire, le plus ancien du Kremlin et de Moscou, je crois, va donc disparaître sous les belles murailles unies et blanches dont on l’entourera, au grand regret des amateurs d’antiquités et de points de vue pittoresques.

Au surplus, cette profanation se commet avec un respect dérisoire qui me la rend plus odieuse : on se vante de laisser debout le vieux monument, c’est-à-dire qu’il ne sera pas rasé, mais qu’il sera enterré vif dans un palais. Tel est le moyen employé ici pour concilier le culte officiel du passé avec la passion du comfort nouvellement importée d’Angleterre. Cette manière d’embellir la ville nationale des Russes est tout à fait digne de Pierre le Grand. Ne suffisait-il pas que le fondateur de la nouvelle capitale eût abandonné l’ancienne ? Voilà que ses successeurs la démolissent sous prétexte de l’orner.

L’Empereur Nicolas pouvait acquérir une gloire