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L’Empereur de toutes les Russies, avec tous ses trônes, avec toutes ses fiertés, n’est cependant que le successeur de ces mêmes grands-ducs que nous voyons si humiliés au xvie siècle ; encore ne leur a-t-il succédé que par des droits contestables ; car, sans parler de l’élection des Troubetzkoï, annulée par les intrigues de la famille Romanow et de ses amis, les crimes de plusieurs générations de princes ont seuls pu faire arriver au trône les enfants de Catherine II. Ce n’est donc pas sans motif qu’on cache l’histoire de Russie aux Russes, et qu’on voudrait la cacher au monde. Certes, la rigidité des principes politiques d’un prince assis sur un trône ainsi fondé n’est pas une des moindres singularités de l’histoire de ce temps-ci.

À l’époque où les grands-ducs de Moscou portaient à genoux le joug honteux qui leur était imposé par les Mongols, l’esprit chevaleresque florissait en Europe, surtout en Espagne où le sang coulait par torrents pour l’honneur et l’indépendance de la chrétienté. Je ne crois pas que, malgré la barbarie du moyen âge, on eût trouvé dans l’Europe occidentale un seul roi capable de déshonorer la souveraineté en consentant à régner d’après les conditions imposées aux grands-ducs de Moscovie aux xiiie, xive et xve siècles par leurs maîtres les Tatars. Plutôt perdre la couronne que d’avilir la majesté royale : voilà ce qu’eût dit un prince français, espagnol ou tout autre