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« Le duc de Moscovie debvoit anciennement cette révérence aux Tartares quand ils envoyoient vers lui des ambassadeurs qu’il leur alloit au-devant à pied et leur présentoit un gobeau de laict de jument (breuvage qui leur est en délices), et si, en buvant, quelque goutte en tomboit sur le crin de leurs chevaulx il estoit tenu de la leicher avec la langue[1].

« En Russie, l’armée que l’Empereur Bajazet y avoit envoyée feut accablée d’un si horrible ravage de neige que pour s’en mettre à couvert et sauver du froid plusieurs s’avisèrent de tuer et esventrer leurs chevaulx pour se jecter dedans et jouir de la chaleur vitale. »

Je cite ce dernier trait parce qu’il rappelle l’admirable et terrible description que M. de Ségur fait du champ de bataille de la Moskowa, dans son Histoire de la campagne de Russie. Voyez aussi pour confirmer la citation de Montaigne, le même trait de servilité, rapporté par le même M. de Ségur dans son Histoire de Russie et de Pierre le Grand.

  1. Voyez la Chronique de Moscovie, par P. Petrius, Suédois, imprimée en allemand, à Leipsik, en 1620, in-4, part. II, p. 159. Cette espèce d’esclavage commença vers le milieu du xiiie siècle, et dura près de deux cent soixante ans. Note par Coste. Essais de Montaigne, livre Ier, chap. 48, des Destriès, p. 14 de l’édition de Paris, Firmin Didot frères, 1836, en un seul volume. (Note de l’Éditeur de Montaigne.)