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renouvelée, le souvenir de la protection dont elle se glorifie.

Il y a dans ces manifestations publiques d’un sentiment religieux plus de philosophie pratique que dans l’incrédulité des peuples qui se disent les plus éclairés de la terre, parce qu’après avoir usé et abusé des forces de l’intelligence, blasés qu’ils sont sur le vrai et le simple, ils doutent de tout et s’en vantent pour encourager les autres et les imiter, comme si leur perplexité était bien digne d’envie !… Vous voyez, disent-ils, combien nous sommes à plaindre, imitez-nous donc !… Les esprits forts sont des esprits morts qui répandent autour d’eux la torpeur dont ils sont atteints : ces redoutables sages privent les nations de leurs mobiles d’activité sans pouvoir remplacer ce qu’ils détruisent, car l’avidité de la richesse et du plaisir n’inspire aux hommes qu’une agitation fébrile, et passagère comme leur courte vie, dont elle subit les phases. C’est le cours du sang plus que la lumière de la pensée qui guide les matérialistes dans leur marche indécise, et toujours contrariée par le doute, car la raison d’un homme de bonne foi, fût-il le premier de son pays, fût-il Gœthe, n’a pas encore atteint plus haut que le doute : or, le doute porte le cœur à la tolérance, mais il le détourne du sacrifice. Or, dans les arts, dans les sciences comme dans la politique, le sacrifice est la base de toute