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dien, vous transportent à Delhi ; un donjon, une tourelle, vous ramènent en Europe au temps des croisades ; la sentinelle qui veille sur la tour de garde vous représente le muezzin invitant les fidèles à la prière ; enfin, pour achever de confondre vos idées, la croix qui brille partout, avertissant le peuple de se prosterner devant le Verbe, semble tombée là du ciel au milieu de l’assemblée des nations de l’Asie pour les guider toutes ensemble dans l’étroite voie du salut : c’est devant ce poétique tableau, sans doute, que madame de Staël s’est écriée : Moscou est la Rome du Nord !

Le mot manque de justesse, car, sous aucun rapport, on ne pourrait établir un parallèle entre ces deux villes. C’est à Ninive, à Palmyre, à Babylone qu’on pense lorsqu’on entre à Moscou, non aux chefs d’œuvre de l’art renfermés dans la Rome païenne ou chrétienne ; l’histoire, la religion de ce pays ne reportent pas davantage vers Rome l’esprit du voyageur. Rome est plus étrangère à Moscou que Pékin ; mais madame de Staël pensait à tout autre chose qu’à regarder la Russie lorsqu’elle a traversé ce pays pour aller en Suède et en Angleterre faire la guerre du génie et des idées à l’ennemi de toute liberté de pensée, à Bonaparte. Elle se sera débarrassée en quelques paroles de sa tâche de grand esprit arrivant dans une contrée nouvelle. Le malheur des personnes célèbres