Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LETTRE VINGT-SEPTIÈME.


Moscou, ce 11 août 1839, au soir.

L’inflammation de mon œil est diminuée, et je suis sorti de ma prison hier pour aller dîner au club anglais. C’est une espèce de salon de restaurateur où l’on ne peut être admis qu’à la demande d’un des membres de la société, laquelle est composée des personnes les plus distinguées de la ville. Cette institution assez nouvelle est imitée de l’anglais, à l’instar de nos cercles de Paris. Je vous en parlerai une autre fois.

Dans l’état où la fréquence des communications a mis l’Europe moderne, on ne sait plus à quelle nation s’adresser pour trouver des mœurs originales, des habitudes qui soient l’expression vraie des caractères. Les usages adoptés récemment chez chaque peuple sont le résultat d’une foule d’emprunts : il résulte de cette trituration de tous les caractères dans la mécanique de la civilisation universelle, une monotonie bien contraire au plaisir du voyageur ; pourtant, à aucune époque, le goût des voyages ne fut plus répandu. C’est que la plupart des gens voyagent par ennui plutôt que par besoin de s’instruire. Je ne suis pas de ces voyageurs-là ; curieux infatigable, je