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« Bien plus, comme il vient d’être son accusateur et son juge, il sera son bourreau. C’est le 7 juillet 1718, le lendemain même du jugement, qu’il va, suivi de tous ses grands, recevoir les dernières larmes de son fils, y mêler les siennes ; et quand enfin on le croit attendri, il envoie chercher la forte potion que lui-même a fait préparer ! Impatient, il en hâte l’arrivée par un second message ; il la fait présenter devant lui comme un remède salutaire, et ne se retire, profondément triste, il est vrai[1], qu’après avoir empoisonné l’infortuné qui implorait encore son pardon. Puis, il attribue la mort de sa victime, expirée quelques heures après dans d’affreuses convulsions, à la frayeur dont l’a frappée son arrêt ! Il ne couvre toute cette horreur, aux yeux des siens, que de cette grossière apparence : il la juge suffisante à leurs mœurs brutales, leur commandant, au reste, le silence, et étant si bien obéi que, sans les Mémoires d’un étranger (Bruce), témoin, acteur même dans cet horrible drame, l’histoire en eût à jamais ignoré les terribles et derniers détails ?[2]. »

(Histoire de Russie et de Pierre le Grand, par M. le général comte de Ségur. Livre X, chapitre III, pages 438, 439, 440, 441, 442, 443, 444.)


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  1. Pleurer sur sa victime est un des traits du caractère russe. (Note du Voyageur.)
  2. Révoquerons-nous en doute le supplice d’Alexis parce que cette mort rappelle celle du fils d’Ivan IV ? Voir plus haut le trait du grand-duc Constantin. (Note du Voyageur.)