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et au-dessus de toutes les lois, comme s’il se fût préparé au terrible coup d’État dont, en 1718, il devait ensanglanter sa renommée. » (Histoire de Russie et de Pierre le Grand, par M. le général comte de Ségur. 2e édition, Baudouin. Paris, livre XI, chapitre VI, pages 489, 490.)

Plus loin : « En septembre 1716, Alexis, pour échapper à la civilisation naissante des Russes, se réfugie au milieu de la civilisation européenne. Il s’est mis sous la protection de l’Autriche, et vit caché dans Naples avec une maîtresse.

« Pierre découvre sa retraite. Il lui écrit. Sa lettre commence par des reproches fondés ; elle finit par des menaces terribles s’il n’obéit aux ordres qu’il lui envoie.

« Ces mots surtout y dominent : « Me craignez-vous ? Je vous assure et je vous promets, au nom de Dieu et par le jugement dernier, que si vous vous soumettez à ma volonté et que vous reveniez ici, je ne vous ferai subir aucune punition, et que même je vous aimerai encore plus qu’auparavant. »

« Sur cette foi solennelle d’un père et d’un souverain, Alexis revient à Moscou le 3 février 1718, et le lendemain, il est désarmé, saisi, interrogé, exclu honteusement du trône, lui et sa postérité ; il est même maudit s’il ose jamais en appeler.

« Ce n’est pas tout encore : on le jette dans une forteresse. Là, chaque jour, chaque nuit, un père absolu, violant la foi jurée, tous les sentiments, toutes les lois de la nature et celles que lui-même a données à son Empire[1], s’arme, contre un fils trop confiant, d’une inquisition politique égale en insidieuse atrocité à l’inquisition religieuse. Il torture l’esprit pusillanime de cet infortuné par toutes les peurs du ciel et de la terre ; il le contraint à dénoncer amis, pa-

  1. Voyez dans son Code ou Concordance des lois, au chap. VI, les art. 1, 2, 6 et 8.