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l’âme humaine qui peut remplir sa vocation divine, partout, en dépit des institutions et des habitudes les plus vicieuses… Mais je m’arrête effrayé devant ma pensée, car je sens venir la crainte que la servilité de l’esclave n’ait suivi jusqu’aux portes du ciel le martyr dans son triomphe.

Oh ! non, la mort n’est pas flatteuse, pas même en Russie ; non, non, cet exemple de vertu surnaturelle nous prouve seulement, et c’est une belle chose à prouver, que l’action de la société la plus corrompue est insuffisante pour dénaturer les plans primitifs de la Providence, et que l’homme qui, selon Platon, est un ange tombé, peut toujours devenir un saint.

Le Czarewitch expire hors de Moscou dans le repaire de la tyrannie appelé la Slobode Alexandrowsky.

Quelle tragédie ! Jamais Rome païenne ni Rome chrétienne n’ont rien produit de plus noble que ces longs adieux du fils d’Ivan IV à son père.

Si les Russes ne savent pas être humains, ils savent quelquefois s’élever au-dessus de l’humanité. Ils font mentir le proverbe vulgaire : pouvant le plus, ils ne peuvent pas le moins.

Karamsin, plus sévère, révoque en doute la sincérité de la douleur du Czar. Il est vrai qu’elle dura peu, mais je veux croire qu’elle fut véritable. Quoi qu’il en soit, il faut le dire, cette épreuve