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yeux de son assassin, qu’il vénère à l’égal du meilleur des pères et du plus grand des Rois ; il supplie le Czar de s’éloigner.

Et lorsqu’au lieu de céder aux instances du mourant, Ivan, dans le délire du remords, se jette sur le lit de son fils, puis retombe à genoux par terre pour demander un tardif pardon à sa victime, ce héros de piété filiale retrouve dans le sentiment du devoir une puissance surnaturelle ; déjà aux prises avec la mort, il s’arrête au passage, il se suspend un instant à la vie, qu’il retient comme par miracle pour répéter avec plus d’énergie et de solennité qu’il est coupable, que sa mort est juste, qu’elle est trop douce ; à force d’âme, d’amour filial et de respect pour la souveraineté, il parvient à déguiser l’agonie ; c’est ainsi que jusqu’au dernier moment, il cache à son père les tourments d’un corps où la jeunesse révoltée lutte terriblement contre la destruction. Le gladiateur tombe avec grâce, non par un vil orgueil, mais par un effort de charité, uniquement pour adoucir le remords dans le cœur de son coupable père. Il proteste jusqu’à son dernier souffle de sa fidélité, de sa soumission au souverain légitime de la Russie, et il meurt enfin en baisant la main qui l’a tué, en bénissant Dieu, son pays et son père.

Ici toute mon indignation se change en un étonnement pieux ; j’admire les merveilleuses ressources de