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« Ah ! tu blâmes ma politique : c’est déjà me trahir, répond le Czar ; qui sait si tu n’as pas dans le cœur la pensée de lever l’étendard de la révolte contre ton père ? »

Là-dessus, enflammé d’une colère subite, il saisit son bâton ferré et il en frappe avec violence la tête de son fils ; un favori veut retenir le bras du tyran ; Ivan redouble ; le Czarewitch tombe, blessé à mort ! Ici commence la seule scène attendrissante de la vie d’Ivan IV, Le pathétique en est au-dessus de la nature : il faudrait le langage de la poésie pour faire croire à des vertus tellement sublimes qu’elles en sont incompréhensibles.

Le prince eut une agonie de plus d’un jour : sitôt que le Czar vit qu’il venait de tuer de sa main ce qu’il avait de plus cher au monde, il tomba dans un désespoir sauvage aussi violent que sa colère avait été terrible : il se roulait dans la poussière en poussant des hurlements féroces, il mêlait ses larmes au sang de son malheureux fils, baisant ses plaies, invoquant le ciel et la terre pour lui conserver la vie qu’il venait de lui arracher, appelant à lui médecins, sorciers, et promettant trésors, honneurs, pouvoir, à qui lui rendrait l’héritier de son trône, l’unique objet de sa tendresse… de la tendresse d’Ivan IV !!…