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Nous l’avons déjà dit : avili, tremblant au seul nom de la Pologne, Ivan cède à Batori, presque sans combat, la Livonie, province disputée depuis des siècles avec acharnement aux Suédois, aux Polonais, à ses propres habitants, et surtout à ses souverains conquérants, les chevaliers porte-glaive. La Livonie était pour la Russie la porte de l’Europe, la communication avec le monde civilisé ; elle faisait depuis un temps immémorial l’objet de la convoitise des Czars et le but des efforts de la nation moscovite. Dans un incompréhensible accès de terreur, le plus arrogant, et tout à la fois le plus lâche des princes, renonce à cette proie qu’il abandonne à l’ennemi, non pas à la suite d’une bataille désastreuse, mais spontanément, d’un trait de plume, et quoiqu’il se trouve encore riche d’une innombrable armée et d’un trésor inépuisable : or, écoutez la scène qui fut la première conséquence de cette trahison.

Le Czarewitch, le fils chéri d’Ivan IV, l’objet de toutes ses complaisances, qu’il formait à son image dans l’exercice du crime et dans les habitudes de la plus honteuse débauche, ressent quelque vergogne en voyant la déshonorante conduite de son père et de son souverain ; il ne hasarde pas de remontrance, il connaît Ivan, mais, évitant avec soin toute parole qui pourrait ressembler à une plainte, il se borne à demander la permission d’aller combattre les Polonais.