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dernier soupir, abandonné de mes lâches compagnons d’armes. J’exterminais au combat les ennemis du nom chrétien, et pendant ma captivité j’ai fait périr les traîtres Russes qui ont voulu te perdre : ils ont été secrètement immolés de ma main ; et il n’en reste plus dans ces lieux un seul au nombre des vivants[1]. Je plaisantais à la table de mon souverain pour l’égayer ; aujourd’hui je meurs pour Dieu et pour lui. C’est par une grâce particulière du Très-Haut que je respire encore ; c’est l’ardeur de mon zèle pour ton service qui me soutient, afin que je puisse retourner en Russie pour recommencer à divertir mon prince. Mon corps est en Crimée, mais mon âme est avec Dieu et Ta Majesté. Je ne crains pas la mort, je ne crains que ta disgrâce. »

Telle est la correspondance amicale du Czar avec sa créature.

Karamsin ajoute : « C’étaient des misérables de cette espèce qu’il fallait à Jean pour son gouvernement, et, à ce qu’il croyait, pour sa sûreté. »

Mais tous les événements de ce règne prodigieux, prodigieux surtout par son calme et sa longue durée, s’effacent devant le plus épouvantable des forfaits.

  1. On peut voir tous les jours à la cour de l’Empereur Nicolas un grand seigneur surnommé tout bas l’empoisonneur, et qui plaisante de ce sobriquet.