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cesse : Grand Dieu ! protége le Czar[1] !… C’est-à-dire (ajoute Karamsin lui-même) que les Russes faisaient gloire de ce que leur reprochaient les étrangers : d’un dévouement aveugle et sans bornes à la volonté du monarque, lors même que dans ses écarts les plus insensés, il foulait aux pieds toutes les lois de la justice et de l’humanité. »

Je regrette de n’oser multiplier ces curieux extraits, mais il faut choisir. Je me bornerai donc à copier encore ici la correspondance du Czar avec une de ses créatures, tome IX, p. 264.

« Le khan de Crimée avait en son pouvoir Vassili Griaznoï, l’un des favoris de Jean, fait prisonnier par les Tatars dans une reconnaissance, près de Moloschnievody ; il offrit de l’échanger contre Mouzza Divy, proposition que le Czar ne voulut pas accepter, bien qu’il plaignît le sort de Griaznoï, et qu’il lui écrivît des lettres amicales, dans lesquelles, selon son caractère, il ridiculisait les services de son favori malheureux. « Tu as cru, lui disait-il, qu’il était aussi facile de faire la guerre aux Tatars que de plaisanter à ma table : ils ne sont pas comme vous autres ; ils ne s’endorment pas en pays ennemi, et ne répètent pas sans cesse : Il

  1. Ce dévouement de la victime au tyran est certainement une espèce de fanatisme particulière aux hommes de l’Asie et aux Russes. (Note du Voyageur.)