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stoïcisme d’esclave justifie la définition de l’abbé Galiani : Le courage, disait-il, n’est qu’une très-grande peur !

Les spectateurs de la scène restent muets. Ceci s’est passé dans le xixe siècle à Varsovie sur la place publique.

Vous le voyez, les Russes de notre époque sont les dignes petits-fils des sujets d’Ivan, et ne venez pas m’objecter la folie de Constantin. Cette folie, supposez-la réelle, devait être connue, puisque la conduite de cet homme depuis sa première jeunesse n’avait été qu’une suite d’actes publics de démence. Or, après tant de preuves d’aliénation mentale, lui laisser commander des armées, gouverner un royaume, c’est afficher un mépris révoltant pour l’humanité, c’est une dérision aussi nuisible à ceux qui exercent l’autorité qu’insultante pour ceux qui obéissent. Mais moi, je nie la folie du grand-duc Constantin ; et je ne vois dans sa vie qu’une cruauté effrénée.

On a souvent répété que la folie était héréditaire dans la famille Impériale de Russie : c’est une flatterie. Je crois que ce mal tient à la nature même du gouvernement et non à l’organisation vicieuse des individus. Le pouvoir absolu, quand il est une vérité, troublerait, à la longue, la raison la plus ferme ; le despotisme aveugle les hommes ; peuple et souverain, tous s’enivrent ensemble à la coupe de la tyrannie.