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noblesse et de l’armée. Ce fait, qui se passa en 1577, me rappelle un autre fait de l’histoire de Russie, tout moderne, puisqu’il est arrivé de nos jours. Je m’applique à confronter les époques, pour vous prouver qu’il y a moins de différence que vous ne pensez entre le passé et le présent de ce pays. C’était à Varsovie, du temps du grand-duc Constantin, et sous le règne de l’Empereur Alexandre, le plus philanthrope des Czars[1].

Un jour Constantin passait sa garde en revue ; et voulant montrer à un étranger de marque à quel point la discipline était observée dans l’armée russe, il descend de cheval, s’approche d’un de ses généraux… d’un général !… et sans le prévenir d’aucune façon, sans articuler un reproche, il lui perce tranquillement le pied de son épée. Le général demeure immobile et ne pousse pas une plainte : on l’emporte quand le grand-duc a retiré son épée. Ce

  1. Plusieurs Russes ont révoqué en doute cette anecdote, et ils ont appuyé leurs dénégations d’une singulière raison. « La même chose s’est passée sous Ivan IV, disent-ils ; c’est donc un mensonge inventé pour calomnier Constantin. »
      Je laisse aux esprits méditatifs et qui comparent l’histoire de Russie avec l’état politique et social de ce pays tel qu’il est aujourd’hui, à peser la force de l’argument qu’on m’oppose, et je proteste en même temps de ma confiance en la véracité des personnes qui m’ont raconté la scène jouée à Varsovie au xixe siècle par le frère de l’Empereur régnant. (Note du Voyageur.)