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tion acharnée contre elle-même. Et même de nos jours, Karamsin se croit obligé d’adoucir en ces termes l’indignation que devrait inspirer à tous les Russes la déshonorante conduite de leur chef :

« Nous avons déjà fait mention des institutions militaires de ce règne : Jean, dont la lâcheté sur le champ de bataille couvrait de honte les drapeaux de la patrie, lui laissa cependant une armée mieux disciplinée et beaucoup plus nombreuse qu’elle n’en avait jamais eu jusqu’alors. » Tom. IX, page 567. Ceci est un fait ; mais comment n’y pas ajouter un mot pour protester en faveur de l’humanité et de la gloire nationale.

C’est sous ce règne que la Sibérie fut pour ainsi dire découverte et qu’elle fut conquise par d’héroïques aventuriers moscovites. Il était dans la destinée d’Ivan IV de léguer à ses successeurs ce moyen de tyrannie.

Ivan ressent pour Élisabeth d’Angleterre une sympathie qui tient de l’instinct ; les deux tigres se devinent, ils se reconnaissent de loin, les affinités de leur nature agissent malgré la différence des situations qui explique celle des actes. Ivan IV est un tigre en liberté, Élisabeth un tigre en cage.

Toujours en proie à des terreurs imaginaires, le tyran moscovite écrit à la cruelle fille de Henri VIII, à la triomphante rivale de Marie Stuart, pour lui de-