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menace ses ennemis tant qu’il se croit le plus fort ; vaincu, il pleure, il prie, il rampe, il se déshonore, il déshonore son pays, son peuple, et toujours sans éprouver de résistance, sans qu’une seule voix réclame contre ces énormités !!! La honte, ce dernier châtiment des nations qui se manquent à elles-mêmes, ne dessille pas les yeux des Russes !…

Le khan de Crimée brûle Moscou, le Czar fuit : il revient quand sa capitale est un tas de cendres ; sa présence produit plus de terreur parmi ce reste d’habitants que n’en avait causé celle de l’ennemi. N’importe, pas un murmure ne rappelle au monarque qu’il est homme et qu’il a failli en abandonnant son poste de Roi.

Les Polonais, les Suédois éprouvent tour à tour les excès de son arrogance et de sa lâcheté. Dans les négociations avec le khan de Crimée, il s’abaisse au point d’offrir aux Tatars Kazan et Astrakan, qu’il leur avait arrachés jadis avec tant de gloire. Il se joue de la gloire comme de tout.

Plus tard on le verra livrer à Étienne Batori la Livonie, ce prix du sang, ce but des efforts de sa nation pendant des guerres de plusieurs siècles ; mais malgré les trahisons réitérées de son chef, la Russie, toujours infatigable dans la servilité, ne se dégoûte pas un instant d’une obéissance aussi onéreuse qu’avilissante ; l’héroïsme eût coûté moins cher à cette na-