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d’un génie profond, militaire habile, animé d’une égale ardeur pour la religion et la patrie, qui avait enfin puissamment contribué à la réduction du royaume de Kazan, fut condamné à mort, ainsi que son fils Pierre, jeune homme de dix-sept ans[1]. Ils se rendirent tous deux au lieu du supplice avec calme et dignité, sans frayeur, et se tenant par la main : afin de ne pas être témoin de la mort de l’auteur de ses jours, le jeune Pierre présenta le premier sa tête au glaive ; mais son père le fit reculer en disant avec émotion : Non, mon fils, que je ne te voie pas mourir. Le jeune homme lui cède le pas, et aussitôt la tête du prince est détachée du corps ; son fils la prend entre ses mains, la couvre de baisers, et levant les yeux au ciel, il se livre d’un air serein entre les mains du bourreau. Le beau-frère de Gorbati, prince Khovrin, Grec d’origine, le grand officier Golovin, le prince Soukhoï Kachin, grand échanson, le prince Pierre Gorensky furent décapités le même jour. Le prince Sheviref fut empalé. On rapporte que cet infortuné supporta pendant un jour entier ses horribles souffrances, mais que, soutenu par la religion, il les oubliait pour chanter le cantique de Jésus. Les

  1. Le supplice de ceux-ci fut simple : grâce enviée de bien des malheureux sous ce règne. (Note du Voyageur.)