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verner l’autre en paix. Dans ce cœur qui se pervertit lui-même à force de terreur et de cruauté, où le mal et l’effroi qu’il engendre font chaque jour de nouveaux ravages, une inexplicable défiance, car elle est sans motif apparent, ou du moins positif, s’allie à une atrocité sans but ; ainsi la lâcheté la plus honteuse plaide en faveur de la férocité la plus aveugle. Nouveau Nabuchodonosor, le roi est changé en tigre.

Il se retire d’abord dans un palais voisin du Kremlin, et qu’il fait fortifier comme une citadelle, puis dans une solitude : la Slobode Alexandrowsky. Ce lieu devient sa résidence habituelle. C’est là que parmi les plus débauchés, les plus perdus de ses esclaves, il se choisit pour garde une troupe d’élite composée de mille hommes, qu’il appelle les élus : opritchnina. À cette légion infernale il livre, pendant sept années consécutives, la fortune, la vie du peuple russe : je dirais son honneur, si ce mot pouvait avoir un sens chez des hommes qu’il fallait bâillonner pour les gouverner à leur gré.

Voici comment Karamsin, tome IX, page 96, nous peint Ivan IV, en l’année 1565, dix-neuf ans après son couronnement :

« Ce prince, dit-il, grand, bien fait, avait les épaules hautes, les bras musculeux, la poitrine large, de beaux cheveux, de longues moustaches, le nez aquilin, de petits yeux gris, mais brillants,