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naturel de sa vie, nul n’atteint le terme probable de son existence : l’impiété humaine anticipe sur la prérogative divine : la mort elle-même, la mort, réduite à la condition de valet de bourreau, perd de son prestige en proportion de ce que la vie perd de son prix. Le tyran a détrôné l’ange, et la terre, baignée de pleurs et de sang, voit avec résignation le ministre des justices de Dieu marcher docilement à la suite des sicaires du prince. Sous le Czar, la mort devient esclave d’un homme. Ce tout-puissant insensé a enrégimenté la peste, qui dépeuple, avec la soumission d’un caporal, des pays entiers dévoués à la désolation par le caprice du prince. La joie de cet homme est le désespoir des autres, son pouvoir, l’extermination, sa vie, la guerre sans gloire, la guerre en pleine paix, la guerre à des créatures privées de défense, nues, sans volonté, et que Dieu avait mises sous sa protection sacrée ; sa loi, la haine du genre humain, sa passion, la peur ; la peur double : celle qu’il ressent et celle qu’il inspire.

Quand il se venge, il poursuit le cours de ses justices jusqu’au dernier degré de parenté ; exterminant des familles entières, jeunes filles, vieillards, femmes grosses et petits enfants, il ne se borne pas, ainsi que les tyrans vulgaires, à frapper simplement quelques races, quelques individus suspects : on le voit singeant le Dieu des Juifs, tuer jusqu’à des provinces