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mais la mort est le moindre des maux dont il accable les condamnés. Sa cruauté approfondie a découvert l’art de leur faire désirer longtemps le dernier coup. Expert dans les tortures, il jouit de la douleur raffinée de ses victimes, il la prolonge avec une infernale adresse, et dans sa cruelle sollicitude, il aime leur supplice et craint leur fin autant qu’elles la souhaitent. La mort est le seul bien qu’il accorde à ses sujets.

Il faut cependant vous décrire, une fois pour toutes, quelques-uns des nouveaux moyens de cruauté inventés par lui contre les soi-disant coupables qu’il veut punir[1] : il les fait bouillir par parties, tandis qu’on les arrose d’eau glacée sur le reste du corps : il les fait écorcher vifs en sa présence ; puis il fait lacérer par lanières leurs chairs mises à nu et palpitantes ; cependant ses yeux se repaissent de leur sang, de leurs convulsions ; ses oreilles de leurs cris : quelquefois il les achève de sa main à coups de poignard ; mais le plus souvent, se reprochant cet acte de clémence comme une faiblesse, il ménage aussi longtemps que possible le cœur et la tête, pour faire durer le supplice ; il ordonne qu’on dépèce les membres, mais avec art et sans attaquer le tronc ; puis il fait jeter un à

  1. Karamsin, d’où ceci est extrait, cite les sources.
    (Note du Voyageur.)