Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cruauté de l’homme ; le souvenir toujours présent des dissensions et des violences des grands qui se disputèrent la garde de son berceau, lui montre partout des traîtres et des conspirateurs.

L’idolâtrie de lui-même, appliquée dans toutes ses conséquences au gouvernement de l’État, tel est le code des justices du Czar, confirmé par l’assentiment de la Russie entière. Malgré ses forfaits, Ivan IV est à Moscou l’élu de la nation ; ailleurs on l’eût regardé comme un monstre vomi par l’enfer.

Las de mentir, il pousse le cynisme de la tyrannie au point de se dispenser de la dissimulation, de cette dernière précaution des tyrans vulgaires. Il se montre simplement féroce ; et pour n’avoir plus à rougir des vertus des autres, il abandonne les derniers de ses austères amis aux vengeances de favoris plus indulgents.

Alors s’établit entre le Czar et ses satellites une émulation de crime qui fait frémir ; et… (ici Dieu se dévoile encore dans cette histoire presque surnaturelle) de même que sa vie morale se partage en deux époques, son aspect physique change avant l’âge : beau dans sa première jeunesse, il devient hideux quand il est criminel.

Il perd une épouse accomplie ; il en reprend une autre aussi sanguinaire que lui ; celle-ci meurt encore. Il se remarie au grand scandale de l’Église grecque,