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pondait à l’énergie de son âme : il était le dieu des Russes.

Mais tout à coup le Czar fatigué se repose et s’arrête au milieu de sa gloire, il s’ennuie de ses vertus bénies, il succombe sous le poids des lauriers et des palmes, et renonce pour jamais à poursuivre sa sainte carrière. Il aime mieux se méfier de tous et punir ses amis de la peur qu’ils lui inspirent, que d’écouter plus longtemps de prudents conseils. Cependant sa folie est dans le cœur ; elle ne gagne pas la tête. Car, au milieu des actions les plus déraisonnables, ses discours sont pleins de sens, ses lettres de logique ; leur style incisif peint la malignité de son âme, mais il fait honneur à la pénétration, à la lucidité de son esprit.

Ses anciens conseillers sont les premiers en butte à ses coups ; ils lui apparaissent comme des traîtres, ou, ce qui est synonyme à ses yeux, comme des maîtres. Il condamne à l’exil, à la mort ces criminels de lèse-autocratie, ces insolents ministres qui s’avisèrent pendant longtemps de se croire plus sages que leur maître ; et l’arrêt paraît équitable aux yeux de la nation. C’était aux avis de ces hommes incorruptibles qu’il avait dû sa gloire ; il ne peut supporter le poids de la reconnaissance qu’il leur doit, et de peur de leur paraître ingrat, il les tue… Une fureur sauvage s’allume alors en lui ; les terreurs de l’enfant éveillent la