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tyran !!!… Ivan, lorsqu’il se décide comme Néron à secouer le joug de la gloire et de la vertu pour régner uniquement par la terreur, ne se borne pas à des recherches de cruauté inconnues avant et après lui, il accable encore d’invectives les malheureux objets de ses fureurs ; il est ingénieux, il est comique dans l’atrocité : l’horrible et le burlesque récréent à la fois son esprit satirique et impitoyable. Il perce les cœurs par des paroles sarcastiques en même temps qu’il déchire lui-même les corps, et dans l’œuvre infernale accomplie par lui contre ses semblables, que son orgueil épouvanté prend pour autant d’ennemis, le raffinement des paroles surpasse la barbarie des actes.

Ceci ne veut pas dire qu’il n’ait point renchéri en fait de supplices sur toutes les manières inventées avant lui de faire souffrir les corps et de prolonger la douleur : son gouvernement est le règne de la torture.

L’imagination refuse de croire à la durée d’un tel phénomène moral et politique. Je viens de le dire, et il est à propos de le répéter : Ivan IV commence, comme le fils d’Agrippine, par la vertu et par ce qui commande plus encore peut-être l’amour d’une nation ambitieuse et vaine, par les conquêtes. À cette époque de sa vie, faisant taire les appétits grossiers et les terreurs brutales qu’il avait manifestés dès son enfance, il se soumet à la direction d’amis sages et sévères.