Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anciens et modernes avec leurs juges les plus incorruptibles, Tacite à leur tête.

Aussi, avant de vous retracer les détails de ces incroyables excès, je sens le besoin de protester de mon exactitude. Je ne citerai rien de mémoire ; en commençant ce voyage, j’ai rempli ma voiture des livres qui m’étaient nécessaires, et la principale source où j’ai puisé, c’est Karamsin, auteur qui ne peut être récusé par les Russes, puisqu’on lui reproche d’avoir adouci plutôt qu’exagéré les faits défavorables à la renommée de sa nation. Une prudence excessive et qui va jusqu’à la partialité, tel est le défaut de cet auteur ; en Russie, le patriotisme est toujours entaché de complaisance. Tout écrivain russe est courtisan : Karamsin l’était : j’en trouve la preuve dans une petite brochure publiée par un autre courtisan, le prince Wiasemski · c’est la description de l’incendie du palais d’hiver à Pétersbourg, description qui est écrite tout à la louange du souverain, lequel a mérité cette fois les éloges qu’on lui adresse. On y trouve le passage suivant :

« Quelle est la noble famille de Russie qui n’ait aussi quelque glorieux souvenir à revendiquer dans ses murs[1] ? Nos pères, nos ancêtres, toutes nos illustrations politiques, administratives, guerrières, y reçurent des mains du souverain, et au

  1. Le palais d’hiver, à Pétersbourg, fut brûlé le 29 décembre 1837.