Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/180

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voilà des restrictions que les Russes n’ont jamais admises ni comprises ; pourtant elles sont nécessaires au développement de la vraie civilisation ; sans elles, il arriverait un moment où l’état social deviendrait plus nuisible qu’utile à l’humanité, et les sophistes auraient beau jeu pour renvoyer l’homme au fond des bois.

Cependant une telle doctrine, avec quelque modération qu’on l’expose et qu’on veuille la mettre en pratique, passe pour séditieuse à Pétersbourg, bien qu’elle ne soit que l’application des saintes Écritures. Donc, les Russes de nos jours sont les dignes enfants des sujets d’Ivan IV. C’est un des motifs qui me décident à vous faire en abrégé l’histoire de ce règne.

En France j’avais oublié ces faits, mais en Russie on est bien forcé de s’en retracer les affreux détails. Ce sera le sujet de ma prochaine lettre ; ne craignez pas l’ennui : jamais récit ne fut plus intéressant, ou du moins plus curieux.

Cet insensé a, pour ainsi dire, dépassé les limites de la sphère où la créature a reçu de Dieu, sous le nom de libre arbitre, la permission de faire du mal : jamais le bras de l’homme n’a porté si loin. La brutale férocité d’Ivan IV fait pâlir les Tibère, les Néron, les Caracalla, les Louis XI, les Pierre le Cruel, les Richard III, les Henry VIII, enfin tous les tyrans